Marché du blé : équilibre fragile entre signaux techniques et incertitudes climatiques
🗞️ Évolution récente du marché
La dynamique du marché du blé s’est inversée ces derniers jours sur Euronext, avec un repli marqué des cours en fin de semaine passée. Après un sommet de près d’un mois, les contrats à terme ont subi des prises de bénéfices et l’effet baissier d’un euro en forte progression, repassant au-dessus de 1,14 face au dollar.
Sur l’échéance septembre 2025, les prix sont redescendus sous les 210 €/t, confirmant un retournement technique. Cette correction s’est opérée malgré une dégradation continue des conditions de culture en France : selon FranceAgriMer, seules 71 % des surfaces sont jugées en bon à très bon état au 19 mai, contre 73 % une semaine plus tôt.
À l’international, les exportations ukrainiennes de blé chutent de 14 % sur un an, et les prévisions de production en Russie sont revues en hausse à 81 Mt. Enfin, les perspectives climatiques s’améliorent légèrement en Europe avec un retour des précipitations, atténuant les craintes liées à la sécheresse.
🔼 Facteurs haussiers
1. Dégradation des conditions de culture en France
Les conditions du blé tendre d’hiver se détériorent dans l’Hexagone. D’après FranceAgriMer, la part des surfaces jugées en bon à très bon état est passée de 73 % à 71 % entre les semaines 19 et 20. Ce chiffre, bien que supérieur à celui de l’an dernier (63 %), traduit les effets du stress hydrique observé ces dernières semaines. Cette tendance pourrait susciter des inquiétudes supplémentaires si la pluviométrie reste insuffisante en fin de montaison ou début d’épiaison.
2. Baisse des exportations de blé en Ukraine
Selon les données du ministère de l’Agriculture ukrainien, les exportations de blé de l’Ukraine depuis le début de la campagne atteignent 14,6 Mt, soit une baisse de 14 % par rapport à l’an dernier. Cette diminution s’inscrit dans un contexte global de contraction des flux sortants (toutes céréales confondues : -17 %), sous l’effet de la guerre, de la réintroduction de quotas européens à partir du 6 juin et de contraintes logistiques. Moins de blé ukrainien disponible pourrait rediriger la demande vers l’Europe occidentale.
3. Tensions climatiques en Russie et en Chine + exportations US dynamiques
Les conditions météorologiques sèches en Russie et dans certaines provinces chinoises inquiètent les marchés. Même si la production russe est officiellement revue à la hausse (81 Mt), les analystes restent prudents face au déficit hydrique qui touche certaines zones. Aux États-Unis, les exportations de blé pour la campagne 2025/26 atteignent 882 202 tonnes au 15 mai, un niveau supérieur aux attentes du marché, ce qui témoigne d’une demande active pour les disponibilités nord-américaines.
🔽 Facteurs baissiers
1. Hausse de l’euro face au dollar
L’euro a repris de la vigueur ces derniers jours, franchissant les 1,14 USD, son plus haut niveau depuis fin avril. Ce renforcement de la devise européenne alourdit mécaniquement le prix des céréales libellées en euro sur le marché international, rendant les blés français et européens moins compétitifs. Ce facteur a directement contribué au repli des cours sur Euronext en fin de semaine passée.
2. Révision haussière de la production de blé en Russie
Sovecon a revu à la hausse ses prévisions de récolte de blé pour la Russie à 81 Mt, contre 79,8 Mt précédemment. Cette annonce a un impact psychologique fort sur les marchés, même si les conditions climatiques restent incertaines. Une augmentation des volumes disponibles en Mer Noire pourrait renforcer la pression concurrentielle sur les blés européens, en particulier sur le marché du bassin méditerranéen.
3. Retour des précipitations en Europe
Les prévisions météorologiques annoncent le retour de pluies dans plusieurs régions européennes affectées par la sécheresse. Ces précipitations pourraient améliorer l’état des cultures et limiter les pertes de rendement anticipées. Les opérateurs estiment ainsi que les craintes majeures à court terme sur la production européenne sont en voie d’atténuation, justifiant une consolidation ou un repli des prix.
📊 Sentiment de marché
Le marché du blé MATIF donne des signaux techniques et fondamentaux orientés à la baisse à court terme.
La force de l’euro, la reprise des précipitations en Europe et les perspectives de production correctes dans l’hémisphère nord contrebalancent les inquiétudes sur l’état des cultures françaises. L’amélioration des exportations américaines et les tensions géopolitiques (quotas sur l’Ukraine, tensions Chine-USA) sont à surveiller, mais les opérateurs semblent plus influencés par les facteurs baissiers à ce stade.
Le marché semble vouloir tester une zone de support autour des 205 €/t. Nous anticipons une évolution des cours dans une fourchette de 205 à 210 €/t sur l’échéance septembre 2025, avec une vigilance accrue sur les données climatiques à venir et les ajustements de change.
