Engrais minéraux : le bras de fer continue entre offre ferme et demande prudente

June 10, 2025
Analyse de marché

🗞️ Évolution récente du marché

La semaine écoulée a confirmé la tendance haussière sur l’ensemble des engrais minéraux. Tous les segments sont concernés : azote, phosphore et potasse. Les producteurs poursuivent leur stratégie de limitation de l’offre, maintenant une pression haussière sur les prix. En azote, la solution azotée s’échange désormais entre 310 et 315 €/T départ Rouen, tandis que l’ammonitrate 33,5 atteint 395 €/T en vrac, rendu culture. L’urée s’est stabilisée autour de 395 €/T départ La Pallice, mais les appels d’offres internationaux, notamment en Inde, pourraient rapidement relancer les prix. Du côté des phosphates, les producteurs tentent d’imposer des hausses, avec le TSP à 525 €/T et le DAP à 695 €/T. En potasse, la fermeté persiste avec des prix à 360 €/T départ Rouen.

Toutefois, la demande reste prudente face à ces niveaux de prix élevés, notamment à cause de la faiblesse des cours des céréales. Une situation de blocage s’installe, mais les besoins de fertilisation à venir pourraient briser ce statu quo.

🔼 Facteurs haussiers

1. Stratégie de limitation des volumes par les producteurs

Les principaux fournisseurs mondiaux, qu’il s’agisse des producteurs d’ammonitrate, d’urée ou de phosphates, ont opté pour une gestion serrée des volumes. Cette stratégie vise à maintenir des prix élevés malgré une demande temporairement atone. À l'approche de l'été, cette rétention volontaire maintient les cours à des niveaux élevés, en particulier sur l’azote.

2. Appels d’offres massifs à l’international (Inde, Éthiopie)

L’appel d’offres indien du 12 juin portant sur 1,5 million de tonnes, ainsi que celui de l’Éthiopie (260 000 t), pourrait redynamiser l’ensemble du marché mondial. L’Inde, avec des stocks faibles (7 Mt contre 11,3 Mt en mai 2024) et une production en baisse, est contrainte d’acheter, soutenant les prix à l’export. Ces volumes vont mobiliser l’offre disponible au détriment de l’Europe.

3. Coût élevé des intrants (gaz naturel)

Le prix du gaz naturel en Europe a franchi les 36 €/MWh, dopé par une baisse des flux norvégiens. Étant donné que la production d’ammoniac dépend directement du prix du gaz, cette hausse impacte mécaniquement le coût de production des engrais azotés, justifiant des niveaux de prix plus élevés sur les nitrates notamment.

🔽 Facteurs baissiers

1. Demande agricole saisonnièrement faible en Europe

Nous entrons dans la période estivale, traditionnellement marquée par un ralentissement de la demande. Les agriculteurs européens, peu enclins à acheter à ces niveaux élevés, temporisent, espérant un repli de prix post-récoltes. Cette faible demande limite pour l’instant l’élan haussier des prix.

2. Retour progressif des exportations chinoises

La Chine, bien qu’encore restrictive sur ses volumes, commence à proposer des cargaisons d’urée pour livraison dès fin juin / début juillet. Cette réapparition sur la scène export pourrait soulager le marché mondial, notamment en direction de l’Amérique latine, contribuant à stabiliser les cours.

3. Faible pouvoir d’achat agricole à cause des prix des céréales

Les prix du blé (201.7€/T MATIF sept) et du maïs restent sous pression du fait de surfaces semées importantes, augmentant les volumes disponibles et donc abaissant les cours. En conséquence, la rentabilité des achats d’engrais diminue loin du ratio cible de 0.6 dont nous vous avons déjà parlé, freinant la demande et pesant potentiellement sur les prix à moyen terme.

📊 Sentiment de marché

Le marché reste tendu, dominé par une offre très ferme et des perspectives d’achats internationales actives, notamment à travers les grands appels d’offres d’Asie et d’Afrique. Cependant, cette dynamique fait face à une demande qui résiste aux niveaux actuels de prix, surtout en Europe, où les producteurs agricoles peinent à rentabiliser leurs achats dans un contexte de faibles prix des cultures. Ce bras de fer pourrait durer encore quelques semaines. Malgré tout, les besoins de fertilisation resteront incontournables, notamment pour préparer l’automne. On pourrait donc s’attendre à un rattrapage de la demande à l’issue de la période estivale. À court terme (30-45 jours), les prix pourraient encore progresser légèrement. Le marché reste à surveiller de près.

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