Blé : le MATIF repasse sous 190€/T

September 23, 2025
Analyse de marché

🔍 État actuel du marché

Les marchés céréaliers ont connu un net repli ces derniers jours, sous l’effet d’une offre internationale toujours abondante. La décision de l’Argentine de suspendre temporairement ses taxes à l’exportation a pesé lourdement sur les prix, renforçant la compétitivité de cette origine et favorisant des perspectives record d’exportations, évaluées à 105,1 Mt en 2025/26. En parallèle, la Russie a vu ses prix FOB progresser légèrement, soutenus par un achat iranien estimé entre 0,5 et 1 Mt, voire davantage. L’Ukraine, en revanche, reste en retrait : depuis le début de campagne, les exportations atteignent 4 Mt de blé et seulement 791 kt d’orge confirmant des volumes plus limités.

En Europe, le dernier rapport a souligné les pertes de rendement en Europe de l’Est (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Turquie) liées à la sécheresse, tandis que les rendements en maïs européen ont baissé pénalisé par la sécheresse.

Sur Euronext, le blé décembre 2025 est repassé sous les 190 €/t, pénalisé par la fermeté de l’euro au-dessus de 1,175 $, réduisant la compétitivité des origines françaises face à la mer Noire. Pour l’orge, la demande fourragère reste prudente, mais le marché reste soutenu par la contraction de l’offre ukrainienne.

📈 Facteurs haussiers

Baisse des exportations ukrainiennes

Depuis le début de campagne, l’Ukraine a exporté 4 Mt de blé (–28 %) et seulement 791 kt d’orge (–36 %) par rapport à l’an dernier. Ce recul sensible réduit la disponibilité en mer Noire, particulièrement pour l’orge fourrager, dont l’Ukraine est un fournisseur majeur pour le Proche-Orient. Les acheteurs traditionnels doivent ainsi se tourner vers d’autres origines, ce qui soutient les prix en Europe et favorise la valorisation du disponible français.

Réduction des rendements en Europe de l’Est

Le rapport de septembre a confirmé des pertes de rendement irréversibles en Hongrie, Roumanie, Bulgarie et Turquie en raison des vagues de chaleur estivales. Ces régions contribuent habituellement à l’équilibre exportateur de l’UE sur le blé et l’orge. Le recul de leur potentiel limite donc l’excédent exportable européen, ce qui pourrait renforcer le rôle du blé français sur certains appels d’offres méditerranéens et maintenir une certaine tension dans un marché pourtant lourdement approvisionné par la mer Noire.

Demande internationale active

L’Algérie a lancé un nouvel appel d’offres en blé meunier via l’OAIC, tandis que l’Iran s’est positionné sur des volumes compris entre 0,5 et 1 Mt de blé russe, avec même des estimations allant jusqu’à 2,2 Mt. Cette demande montre que, malgré l’abondance de l’offre mondiale, certains pays importateurs doivent sécuriser leurs approvisionnements. Si les origines françaises restent encore peu compétitives, une amélioration du rapport de change euro/dollar ou une dégradation supplémentaire des conditions logistiques en mer Noire pourraient réactiver la demande sur notre blé.

📉 Facteurs baissiers

Exportations record en Argentine

La suspension temporaire des taxes à l’exportation en Argentine, jusqu’au 31 octobre, dope la compétitivité du pays. La Bourse de Rosario estime que les exportations de grains pourraient atteindre 105,1 Mt, un record historique. Cet afflux massif sur le marché international accentue la concurrence pour le blé européen et pèse directement sur les prix mondiaux, dans un contexte où les acheteurs privilégient les origines les plus compétitives.

Compétitivité de la mer Noire

Malgré des volumes exportés en retrait, la Russie et l’Ukraine continuent de dominer les flux internationaux. Le blé russe 12,5 % FOB se négocie à 228 $/t, un niveau qui reste attractif pour de nombreux importateurs. Les appels d’offres récents (Algérie, Iran, Égypte) confirment cette dynamique. Tant que la Russie maintiendra une offre abondante et compétitive, le blé européen aura du mal à retrouver des marges à l’export, ce qui limite les perspectives de hausse.

Hausse de l’euro face au dollar

Le rebond de l’euro au-dessus de 1,175 $ complique la donne pour les céréales européennes. Cette appréciation réduit mécaniquement la compétitivité des origines françaises et pèse sur le Matif, revenu sous les 190 €/t sur l’échéance décembre 2025. Dans un marché déjà fragilisé par l’excès d’offre mondiale, ce facteur de change pourrait continuer à freiner toute tentative de rebond technique dans les prochaines semaines.

📊 Notre sentiment de marché

Le marché des céréales reste dominé par un excédent mondial à court terme. La décision argentine agit comme un véritable catalyseur baissier, accentuant la pression sur les prix du blé et de l’orge. En parallèle, la compétitivité russe demeure un obstacle majeur pour les origines européennes. Toutefois, plusieurs éléments viennent tempérer ce biais baissier : l’effondrement des exportations ukrainiennes, les pertes de rendement en Europe de l’Est et une demande internationale qui reste présente (Algérie, Iran). Le marché se retrouve donc dans une zone de neutralité fragile, tiraillé entre des fondamentaux lourds et des tensions structurelles.

Pour le blé meunier, nous anticipons une évolution des prix du contrat Euronext décembre 2025 entre 185 €/t et 195 €/t au cours des deux prochaines semaines. La borne basse pourrait être testée si les ventes argentines affluent rapidement, tandis que la borne haute suppose un regain de demande internationale ou un affaiblissement de l’euro. Pour l’orge fourrager, dont la liquidité est plus faible, le marché devrait rester dans une fourchette 170-180 €/t, soutenu par le déficit ukrainien mais bridé par le poids général de l’offre mondiale.

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